Il faisait doux ce soir là dans la partie septentrionale d'Octobre Rouge. Les trois lunes éclairaient la terrasse de leur douce luminosité ambrée.
Ianovka buvait un cocktail en regardant le ciel, assis sur une chaise longue. Il pouvait voir les étoiles, il reconnaissait toutes les galaxies dans lesquelles il était allé et ou il avait combattu les flottes Impériales.
Le souvenir de ces nombreux combats le laissait dans un drôle d'état, entre souffrance et bonheur.
Il repensait à tous ses camarades qui avaient péri dans cette lutte à mort contre l'impérialisme, à Zeldounette, à Natacha, à Barikad et à tant d'autres ...
Une boule serrait la gorge de Ianovka. Mais il savait qu'ils étaient morts en toute connaissance de cause, ils étaient tous persuadés que leur combat était juste et qu'après eux d'autres reprendraient le flambeau de la révolution inter galactique.
Il repensait à tous les bons moments qu'il avait passé avec ses camarades, les Auroristes, ceux qui ne sont plus et ceux qui sont encore là. Et tous ces souvenirs l'emplissaient de joie. Il faisait confiance à ceux qui restent pour que la lutte n'ait pas été vaine. En effet la lutte devait continuer, les force Impérialistes demeuraient aussi fortes et aussi destructrices. Mais il savait que tout cela aurait une fin, et qu'un jour les univers seront débarrassés de l'injustice, du racisme et de la haine. Que les peuples ne seraient plus sous le joug du capitalisme intersidéral.
Il repensait à tous ces combats, à toutes ces batailles qu'ils avaient mené, les défaites comme les victoires. L'exaltation de mener les troupes révolutionnaires, de les galvaniser pour remporter des combats qui semblaient à priori perdus. La fière flotte auroriste en avait fait baver au pouvoir Impérial, et l'aide de nos fidèles alliés avait souvent été précieuse.
Depuis un moment les combats n'étaient plus pour lui, il était devenu vieux et fatigué.
Il se leva pour retourner à l'intérieur. Une dernière fois il arrosa les plantes qu'il avait ramené de ses expéditions sur des planètes lointaines. Puis il retourna se coucher. C'était la fin, il le savait, il ne verrait pas la prochaine aurore. Il espérait qu'elle serait rouge et grandiose.
Longtemps il avait pensé à sa mort, mais c'est bien tard qu'elle allait venir, et à sa surprise ce ne serait pas au cours d'un combat. Il avait donc tout prévu. Il ne voulait rien de grandiloquent, juste ses camarades présents pour lui donner un dernier adieu. Il ne voulait ni cérémonie pompeuse, ni tombeau démesuré, il voulait juste que ses cendres soient déposées dans une petite capsule que l'on propulserait pour un voyage infini dans l'espace.
Il repensait aux dernières pensées d'un des premiers révolutionnaires de l'Histoire, un de ceux grâce à qui Aurora a pu exister. C'était il y a des milliers d'années sur une toute petite planète perdue au fin fonds de l'univers : la Terre.
Ces pensées pourraient être les siennes.
"Pendant quarante-trois ans de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire; pendant quarante-deux de ces années, j'ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j'avais à recommencer tout, j'essayerai certes d'éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé. Je mourrai révolutionnaire prolétarien, marxiste, matérialiste dialectique, et par conséquent athée intraitable. Ma foi dans l'avenir communiste de l'humanité n'est pas moins ardente, bien au contraire, elle est plus ferme qu'au temps de ma jeunesse. Natacha vient juste de venir à la fenêtre de la cour et de l'ouvrir plus largement pour que l'air puisse entrer plus librement dans ma chambre. Je peux voir la large bande d'herbe verte le long du mur et le ciel bleu clair au-dessus du mur, et la lumière du soleil sur le tout. La vie est belle. Que les générations futures la nettoient de tout mal, de toute oppression et de toute violence et en jouissent pleinement."
Dernières lignes du Testament de Léon Trotsky, Coyoacan au Mexique le 27 février 1940.Ianovka était serein au seuil du sommeil de sa dernière nuit.